Calculateur de QTc (Formule de Fridericia)
Calcul de l'intervalle QT corrigé
Utilisez la formule de Fridericia pour déterminer si l'intervalle QT est prolongé. Les seuils de risque sont de 450 ms chez l'homme et 470 ms chez la femme.
Qu’est-ce que la prolongation du QT et pourquoi ça compte ?
La prolongation de l’intervalle QT sur un électrocardiogramme (ECG) n’est pas juste une ligne un peu plus longue sur un tracé. C’est un signal d’alerte cardiaque sérieux. Elle signifie que le ventricule du cœur met plus de temps à se répolariser après chaque battement. Ce retard peut déclencher une arythmie mortelle appelée Torsades de Pointes, qui peut mener à un arrêt cardiaque soudain. Ce risque est bien documenté avec deux familles d’antibiotiques couramment prescrites : les fluoroquinolones et les macrolides.
Le mécanisme est simple : ces antibiotiques bloquent le canal potassium hERG dans les cellules cardiaques. Ce canal joue un rôle clé dans la fin du battement cardiaque. Quand il est inhibé, l’activité électrique du cœur devient désordonnée. Ce n’est pas une théorie abstraite. Des études ont montré que des patients hospitalisés en réanimation, traités par ciprofloxacine et érythromycine, développaient une prolongation du QT en seulement quelques heures. Et ce n’est pas rare : des cas de Torsades de Pointes liés à la lévofloxacine ont été rapportés à plusieurs reprises dans la littérature médicale.
Quels antibiotiques sont les plus à risque ?
Tous les fluoroquinolones et macrolides ne sont pas égaux en termes de risque. Il existe une hiérarchie claire, et la connaître peut sauver des vies.
Among fluoroquinolones, the risk drops in this order: sparfloxacin (retiré du marché) > grepafloxacin (jamais commercialisé aux États-Unis) > moxifloxacin > lévofloxacine > ciprofloxacine. Moxifloxacin est le plus risqué parmi ceux encore disponibles. La lévofloxacine, souvent considérée comme plus sûre, a quand même causé 17 cas confirmés de Torsades de Pointes avant 2005. La ciprofloxacine, bien que classée à risque « faible », reste fréquemment utilisée en réanimation - et c’est là que le danger s’accumule.
Côté macrolides, la hiérarchie est encore plus marquée : érythromycine > clarithromycine > azithromycine. L’érythromycine agit presque comme un antiarythmique de classe III, avec un effet direct sur la repolarisation ventriculaire. L’azithromycine, en revanche, a un risque très faible - presque négligeable - à doses usuelles. Pourtant, beaucoup de médecins les prescrivent comme des alternatives interchangeables, sans réaliser cette différence cruciale.
Comment mesurer le QT correctement ?
Ne pas bien mesurer l’intervalle QT, c’est comme lire un thermomètre avec des lunettes déformantes. Deux formules existent pour corriger le QT selon la fréquence cardiaque : Bazett et Fridericia. La formule de Bazett (QTc = QT / √RR) est ancienne et trompeuse. Elle surestime le QT quand le cœur bat vite, et le sous-estime quand il bat lentement. Résultat : des faux positifs ou des faux négatifs.
La formule de Fridericia (QTc = QT / √RR³) est aujourd’hui préférée. Une étude de 2021 a montré qu’elle prédit mieux la mortalité à 30 jours et à un an. Les directives britanniques de 2023 recommandent désormais d’utiliser Fridericia en routine. Et ce n’est pas une simple recommandation technique : c’est une question de survie.
En plus, il faut savoir reconnaître les faux prolongements. Un bloc de branche gauche ou droit, un pace-maker, ou un QRS >140 ms peuvent rendre l’intervalle QT « artificiellement » long. Si vous ne les identifiez pas, vous allez arrêter un antibiotique inutilement - ou pire, vous allez le laisser alors que le risque est réel.
Quand et comment surveiller ?
La surveillance n’est pas une option. C’est une obligation, surtout chez les patients à risque.
Pour les macrolides, les directives de la British Thoracic Society sont claires : un ECG doit être fait avant de commencer le traitement. Puis un second ECG est obligatoire un mois après. Si le QTc dépasse 450 ms chez l’homme ou 470 ms chez la femme, il faut arrêter. Pas de « on va surveiller un peu plus ». Arrêt immédiat.
Pour les fluoroquinolones, la stratégie est un peu plus nuancée. Un ECG est recommandé entre le 7e et le 15e jour après le début du traitement. Puis une fois par mois pendant les trois premiers mois. Après, des contrôles ponctuels. Mais si le patient a plusieurs facteurs de risque ? Alors on surveille plus souvent. En réanimation, on utilise même la telemétrie continue.
Et l’heure du prélèvement ? Ça compte aussi. Le pic de prolongation du QT peut survenir 2 heures après l’administration. Les protocoles du VUMC recommandent donc de faire l’ECG à ce moment-là pour avoir une image précise.
Qui est vraiment à risque ?
Le risque ne vient pas seulement de l’antibiotique. Il vient de la combinaison.
Les patients les plus vulnérables sont souvent les plus négligés : des femmes âgées de plus de 65 ans, en maison de retraite, avec une cystite bénigne. Elles prennent déjà un diurétique, un anti-hypertenseur, un antifongique, et voilà qu’on leur prescrit une fluoroquinolone pour une infection mineure. Résultat : trois médicaments qui prolongent le QT en même temps. Une étude de 2025 a montré que ce scénario est loin d’être rare - et qu’il est extrêmement dangereux.
Les autres facteurs critiques :
- Sexe féminin : les femmes ont 2 à 3 fois plus de risque de Torsades de Pointes
- Âge >65 ans
- Bas niveau de potassium (<3,5 mmol/L) ou de magnésium (<1,7 mg/dL)
- Maladie cardiaque : insuffisance cardiaque, hypertrophie ventriculaire gauche, fraction d’éjection <40 %
- Antécédents familiaux de QT long
- Hypothyroïdie
- Bradycardie (<50 battements/min)
- Prise concomitante d’un autre médicament qui bloque le métabolisme de l’antibiotique (comme les inhibiteurs du CYP3A4)
En réanimation, un patient peut en avoir 5 ou 6 en même temps. C’est là que le risque explose. Ce n’est pas une question de « peut-être ». C’est une question de « quand ».
Que faire si le QT est prolongé ?
Si le QTc dépasse 500 ms, ou s’il augmente de plus de 60 ms par rapport à la valeur de base, il faut arrêter l’antibiotique immédiatement. Pas de demi-mesure. Pas d’attente. Pas de « on va réduire la dose ».
En parallèle, corrigez les facteurs réversibles :
- Repléfiez le potassium à >4,0 mmol/L
- Repléfiez le magnésium à >2,0 mg/dL
- Arrêtez tous les autres médicaments qui prolongent le QT
- Évitez les diurétiques si possible
- Surveillez la fréquence cardiaque - une bradycardie peut aggraver le risque
Et surtout : ne réutilisez jamais ce même antibiotique. Le risque de récidive est élevé, et souvent plus sévère.
Comment choisir un antibiotique plus sûr ?
La meilleure stratégie, c’est d’éviter le problème avant qu’il ne se pose.
Pour les infections urinaires simples chez les femmes âgées, les fluoroquinolones ne devraient jamais être la première ligne. Des alternatives comme les nitrofurantoïnes ou les fosfomycines existent, avec un profil cardiaque bien plus sûr.
Pour les infections respiratoires, l’azithromycine est souvent préférable à l’érythromycine ou à la clarithromycine. Même si elle est plus chère, elle est plus sûre. Et dans les unités de soins intensifs, privilégiez la ciprofloxacine plutôt que la moxifloxacin, sauf si les bactéries résistent.
Les programmes de stewardship antimicrobien ne sont plus une option. Ce sont des outils de sécurité. Ils aident à éviter les prescriptions inutiles, à choisir les antibiotiques les moins risqués, et à réduire la pression sur les systèmes de santé.
Quel avenir pour la surveillance du QT ?
Les outils vont s’améliorer. Des applications mobiles et des dispositifs portables commencent à intégrer des algorithmes qui estiment le QTc en temps réel à partir d’un ECG à un seul lead. Ce ne sont pas encore des substituts à l’ECG de diagnostic, mais ils pourraient servir de filtre dans les maisons de retraite ou les consultations de soins primaires.
La recherche génétique avance aussi. Des mutations rares dans les gènes du canal hERG peuvent rendre certains patients extrêmement sensibles à des doses normales d’antibiotiques. À l’avenir, un simple test génétique pourrait identifier ces personnes avant même de prescrire.
En attendant, la règle est simple : ne prescrivez pas un antibiotique à risque sans vérifier le QT. Et si vous le faites, surveillez. Pas juste « un peu ». Avec rigueur. Avec des mesures précises. Avec un plan d’arrêt clair.
Quelle est la valeur seuil du QTc pour arrêter un antibiotique ?
Selon les directives britanniques de 2023 et les études récentes, il faut arrêter immédiatement si le QTc dépasse 500 ms, ou s’il augmente de plus de 60 ms par rapport à la valeur de base. Pour les hommes, un QTc >450 ms est déjà anormal ; pour les femmes, >470 ms. Ces seuils sont utilisés pour guider les décisions cliniques, même si le risque absolu reste faible chez les patients sans facteurs associés.
La lévofloxacine est-elle sûre ?
La lévofloxacine est classée à risque « minimal » parmi les fluoroquinolones, mais elle n’est pas sans risque. Plus de 17 cas de Torsades de Pointes ont été rapportés dans la littérature avant 2005. Elle est plus sûre que la moxifloxacin, mais pas plus sûre que la ciprofloxacine. Elle ne doit jamais être prescrite chez les patients avec plusieurs facteurs de risque, surtout les femmes âgées avec une cystite simple.
Pourquoi la formule de Fridericia est-elle préférée à Bazett ?
La formule de Bazett surestime le QTc quand le cœur bat vite, et le sous-estime quand il est lent. Cela peut conduire à des erreurs de diagnostic : soit on arrête un traitement inutilement, soit on le laisse alors qu’il est dangereux. La formule de Fridericia, qui prend en compte la puissance cubique de la durée RR, est plus précise et prédit mieux la mortalité à court et long terme. Elle est désormais recommandée par les grandes sociétés médicales.
Les macrolides peuvent-ils être utilisés chez les patients cardiaques ?
Oui, mais avec prudence. L’azithromycine est le choix le plus sûr parmi les macrolides. L’érythromycine et la clarithromycine sont à éviter chez les patients avec insuffisance cardiaque, QT allongé ou prise d’autres médicaments à risque. Si un macrolide est indispensable, un ECG avant et un mois après est obligatoire. Et il faut toujours corriger les électrolytes avant de commencer.
Faut-il faire un ECG avant chaque prescription d’antibiotique ?
Non, pas pour tout le monde. Si le patient est jeune, en bonne santé, sans antécédents cardiaques, sans médicaments à risque, et qu’on prescrit une ciprofloxacine ou une azithromycine à dose standard, un ECG préalable n’est pas nécessaire. Mais dès qu’il y a un facteur de risque - âge, sexe féminin, maladie rénale, diurétique, antécédent d’arythmie - alors un ECG est obligatoire avant de commencer.